En reprenant les travaux de ses confrères sociologues, E. Rogers,sociologue et statisticien américain, propose en 1962, au sein de son ouvrage « Diffusion of Innovations », un modèle empirique permettant de comprendre comment se déroule le processus de diffusion d’un produit nouveau au sein d’une société.
La Théorie de Diffusion de l’Innovation
Rogers définit lui-même la notion de diffusion comme un phénomène de « dissémination », sans doute due à son caractère « spontané et non planifié ». Paradoxalement, cette « propagation » dont il parle serait tout de même « gérée ». Cette diffusion doit également tenir compte de la volonté de minimisation de l’incertitude (notion proche de la théorie d’aversion pour le risque d’Arrow et Pratt [1964]) présente naturellement chez les consommateurs. Une deuxième définition, plus concrète, a tout de même été proposée par l’auteur : la diffusion de l’innovation serait « le processus par lequel une innovation est communiquée à travers certains canaux, au cours du temps, entre les membres d’un système social ».
E. Rogers donne une acception large de l’innovation. Selon lui, l’innovation est « une idée, une pratique, ou un objet qui est perçu comme nouveau par un individu ou une autre unité d’adoption ». La notion de « perception » est de nouveau mobilisée dans sa définition. De plus, la variable temps, selon qu’elle soit grande ou petite, peut donc être un indicateur pour apprécier le succès (ou l’échec) de la diffusion d’une innovation.
Les catégories d’utilisateurs (ou de clients) de l’innovation :
Selon une loi normale, Rogers a mis en évidence cinq catégories d’utilisateurs, avec pour chacune, un pourcentage par rapport à la population :
– Les innovants (2.5 %) : Ce sont ceux que l’on nomme parfois les geeks, des individus au penchant très marqué vers les nouvelles technologies. Ils n’ont pas peur de prendre des risques (ils ont le « goût de l’aventure ») et ont de bonnes dispositions pour comprendre et appliquer les connaissances technologiques. Ils ne représenteraient que 2.5 % des individus.
– Les premiers adoptants (13.5 %) : Moins « marginaux » que les premiers, leurs avis comptent et peuvent faciliter le processus de diffusion. Et pour cause, ils sont en quelque sorte des leaders d’opinion puisqu’ils occupent une place importante dans la communauté. Ils ont bien assimilé les différentes potentialités et avantages que possèdent l’innovation. Ils sont les rouages essentiels vers la démocratisation de cette innovation.
– La majorité précoce (34 %) : Elle est la « première majorité », celle par qui on peut considérer que l’innovation est en train de se diffuser à grande échelle, et de se démocratiser. Elle serait la cible privilégiée des entreprises de par sa quantité et sa facilité à séduire. Elle a une aversion tout de même importante pour le risque puisqu’elle a attendu qu’une certaine accumulation de l’expérience du produit pour se lancer. Elle représenterait à elle seule un tiers des individus.
– La majorité tardive (34 %) : La majorité tardive, si elle ressemble à la majorité précoce aux vues de sa proportion (34%) et de ses caractéristiques générales (non pionniers), elle se distingue de celle-ci quant aux motivations de son adoption de l’innovation. En effet, la majorité tardive se résigne à adopter l’innovation plus par nécessité économique et pressions sociales (familiales, professionnelles) que par réelle prédisposition.
– Les retardataires (16 %) : Ce sont de volontaires réfractaires à l’innovation, et n’adoptent l’innovation que par contrainte ou nécessité absolue. Ils ont une aversion pour le changement et attendent de l’innovation une grande fiabilité avant de l’adopter.